Au terme de la première quinzaine de ce mois saint, il est possible de dresser un bilan des initiatives prises pour faciliter la vie des consommateurs. La création des « points de vente » dits bon marché étant, certes, une illustration de bonne intention à pourvoir aux besoins des petites bourses. Mais qu’en est-il au juste ?
Les autorités ont globalement tenu parole en ce qui concerne la majorité des promesses faites : le lait est bien présent, le café est aussi sur un certain nombre d’étalages des grandes surfaces. A ce propos, les producteurs, plus exactement les torréfacteurs et revendeurs, ont trouvé quelques astuces pour gagner plus d’argent en barbouillant les grains de café de solutions, paraît-il porteuses d’un arome (?!), mais il faudrait reconnaître qu’un bon café c’est un café pur sans ces ajouts qui coûtent les yeux de la tête et qui ne prouvent qu’une seule chose : le buveur n’est véritablement pas un amateur de cette potion magique qui mobilise tous les matins, et à des heures diverses de la journée ou de la nuit, les milliards de consommateurs férus de bon goût.
Les fruits, oranges, mandarines, fraises etc, sont à des prix au-dessus de toute prévision. Reste les pommes et les bananes. Les spéculateurs ont gardé leur stock à l’abri (jusqu’à ce qu’il y ait une descente) dans l’attente de l’écouler une fois ramadan terminé. Il faudrait maintenir la tarification, quitte à ce que ces spéculeurs envoient leurs stocks aux musées. Des bananes sont quand même vendues dans les grandes surfaces au tarif fixé, par sachets dont le poids tourne autour d’un kilo.
Du producteur au consommateur
Reste l’expérience de l’ouverture des points de vente du « producteur au consommateur». Qu’en est-il de cette action dont le nom pompeux interroge ?
Nous avons rendu visite à quelques centres. Nous avons été surpris lundi de constater que celui qui est situé à l’avenue Alain Savary, à la Place Pasteur à Tunis, ferme à treize heures. Aurait-il écoulé toute la marchandise ? Personne n’a voulu nous répondre.
De toutes les manières, le reste des points ouverts nous ont permis de constater une chose : on n’a pas encore compris ce qu’est un «point de vente du producteur au consommateur». En effet, le fait même de trouver que les prix affichés sur tous les étalages sont les mêmes partout, à quelques millimes près, est une preuve que le consommateur ne gagne presque rien. Si les producteurs d’oranges vendaient leurs produits au prix qu’ils proposent dans ces points de vente, ils seraient devenus les nouveaux milliardaires de ces dernières années ! Dans ces lieux, les producteurs qui exposent se doivent de retirer les taxes, les commissions des différents intermédiaires et autres frais pour fixer le prix de vente aux consommateurs qui viennent pour «faire affaire».
Aux mêmes prix ou presque
Le même raisonnement est valable pour certains produits sensibles en ce ramadan, comme le piment, les tomates ou autres que l’on trouve en grande quantité, souvent de qualité médiocre, et presque aux mêmes prix qu’ailleurs, dans les environs des marchés. Les marchés municipaux sont, ces derniers temps, déserts et le manque d’entretien redevient une règle générale.
A titre d’exemple, et là où ces centres ont commencé à voir le jour pour un «commerce équitable», on vous délivre un ticket de caisse transparent qui permet au consommateur de connaître la part qui revient au producteur, au transporteur, au marché concerné et même à l’organisme bancaire. Il n’y a pas plus clair !
Dans ces marchés on peut remonter, grâce à la traçabilité de tous les produits exposés, aux régions et aux composants. Les produits alimentaires carnés, les poissons et autres doivent provenir d’animaux nés, élevés et abattus sur des lieux bien déterminés. Pourquoi toutes ces précautions, pourrait-on s’interroger ? Tout simplement parce qu’un produit venu d’une région limitrophe n’a rien à voir avec celui qui a fait des centaines de kilomètres pour arriver au point de vente. Les frais n’étant pas les mêmes, les prix changent en fonction de ces paramètres.
Pour devenir permanents
De toute évidence, ces points de vente, que l’on crée par occasion, gagneraient à être tenus en main et organisés pour devenir permanents. Ils ne concurrencent en rien les marchés hebdomadaires, parce qu’ils touchent une tout autre clientèle. Leur présence codifiée sera de nature à ralentir ces envolées infernales qui, sans crier gare, assomment le consommateur. La fixation des marges, la suppression des taxes doivent entrer en ligne de compte si l’on veut faire œuvre utile et avoir le moyen de maîtriser le marché de façon globale.
La qualité par la force des choses ne pourra que s’améliorer, car on pourra s’engager sur le calibrage des légumes et des fruits où le consommateur se fait rouler, étant donné qu’il n’a aucun droit de toucher et de choisir. Les prix seront en conséquence, bien entendu, mais cela aura l’avantage de faire revenir à la raison les grandes surfaces qui s’en donnent à cœur joie, en brandissant ce privilège. Les producteurs devraient être véritablement des fermiers, des familles, de petits groupements qui fourniraient des produits frais, des préparations ou des spécialités régionales. Ce n’est pas le cas actuellement. Nous avons tendance à organiser, l’espace de quelques jours, ces « foires » qui attirent grand-monde. Et puis plus rien. On reste dans l’attente des prochaines fêtes foraines.
Forcément des points positifs
En dressant le bilan, il y a forcément des points positifs. Mais, tant que le consommateur demeure une «victime», qu’on cherchera à plumer sans qu’il puisse se défendre, ces «points de vente» demeureront de fausses aubaines pour calmer l’inflation galopante de tous les genres de marchandises de consommation courante. Retrouver le meilleur des produits de ferme : des légumes frais, des fruits du verger, des viandes, du poisson, des crustacés des spécialités savoureuses, des fromages du terroir (ces spécialités sont actuellement à des prix incroyables), etc…. serait un slogan mobilisateur qui pourrait créer des emplois et favoriser la restauration d’un minimum de confiance entre le producteur et le consommateur. Pour qu’il revienne !
La moue gênée d’une dame explique tout : «Je suis venue par curiosité, mais j’avais bon espoir de faire des affaires. Il n’y a pas une grande différence avec ce que l’on propose, ailleurs, dans les marchés». C’est donc une question de confiance pour perpétuer cette expérience.
Ventes en lignes
Elles ont grandement réussi à instaurer cette confiance. Il faudrait que ces points de vente les prennent en exemple. Le consommateur, étant en mesure de refuser un produit qui ne correspond pas à ses choix, pousse l’opérateur à prendre ses précautions et à se garder de fourguer n’importe quoi. Les régions devraient donc se mobiliser pour faire de ces points de vente un motif de brassage des moyens dont elles disposent, pour attirer des visiteurs de manière régulière, de nature à favoriser l’activité économique.
A l’instar de ce qui se passe dans d’autres pays, un agriculteur peut décider de vendre ses produits à la ferme ou de les livrer directement au domicile des consommateurs. Les prix sont totalement différents. Les initiatives collectives nécessitent un certain degré d’organisation formelle ou informelle, entre les producteurs, ou entre les consommateurs, ou les deux, et donc certaines formes d’interactions entre les acteurs avant l’échange. C’est toute une organisation qui nécessite des moyens logistiques et des connaissances. On en convient, mais les «regroupement citoyens » pourraient s’engager dans cette voie, pour mettre un terme aux diktats de ceux qui ramassent tout, ne laissant que des miettes aux autres parties prenantes.
Attia
12 avril 2023 à 22:27
La législation tunisienne interdit à l’agriculteur de vendre au consommateur directement. Il ne peut même pas vendre aux détaillants… C’est là qu’est toute l’aberration du système d’où la multiplication des intermédiaires, l’empilement des marges, la détresse du producteur et le non développement des filières de qualité comme le Bio ou autre. C’est un système qui veut que l’administration contrôle tout et ça finit par favoriser les monopoles, la corruption et tuer la concurrence et la recherche de la qualité. Un système qui prône la médiocrité à revoir de fond en comble…